Paul Valéry (1871 Sète, 1945 Paris) - poèmes choisis
lun. 10 janv.
|Las Vegas
Heure et lieu
10 janv. 2022, 19:00 – 23:00
Las Vegas, 3655 S Las Vegas Blvd, Las Vegas, NV 89109, États-Unis
À propos de l'événement
Paul Valéry
Orphée 1920 –Album de Vers Anciens
Je compose en esprit, sous les myrtes, Orphée L’Admirable !… le feu, des cirques purs descend; Il change le mont chauve en auguste trophée D’où s’exhale d’un dieu l’acte retentissant.
Si le dieu chante, il rompt le site tout-puissant; Le soleil voit l’horreur du mouvement des pierres; Une plainte inouïe appelle éblouissants Les hauts murs d’or harmonieux d’un sanctuaire.
Il chante, assis au bord du ciel splendide, Orphée! Le roc marche, et trébuche ; et chaque pierre fée Se sent un poids nouveau qui vers l’azur délire!
D’un Temple à demi nu le soir baigne l’essor, Et soi-même il s’assemble et s’ordonne dans l’or À l’âme immense du grand hymne sur la lyre!
La Fileuse
Assise, la fileuse au bleu de la croisée Où le jardin mélodieux se dodeline ; Le rouet ancien qui ronfle l'a grisée.
Lasse, ayant bu l'azur, de filer la câline Chevelure, à ses doigts si faibles évasive, Elle songe, et sa tête petite s'incline.
Un arbuste et l'air pur font une source vive Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose De ses pertes de fleurs le jardin de l'oisive.
Une tige, où le vent vagabond se repose, Courbe le salut vain de sa grâce étoilée, Dédiant magnifique, au vieux rouet sa rose.
Mais la dormeuse file une laine isolée ; Mystérieusement l'ombre frêle se tresse Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.
Le songe se dévide avec une paresse Angélique, et sans cesse, aux doux fuseaux crédule, La chevelure ondule au gré de la caresse...
Derrière tant de fleurs, l'azur se dissimule, Fileuse de feuillage et de lumière ceinte : Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.
Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte, Parfume ton front vague au vent de son haleine Innocente, et tu crois languir... Tu es éteinte
Au bleu de la croisée où tu filais la laine.